Elargissons notre lutte – selon le manifeste ?

Par Rushdia Mehreen, membre du comité aux luttes sociales (janvier 2012 à janvier 2013)

Petite histoire personnelle. Un camarade de l’UQAM m’a mentionné il y a quelques temps que pendant les congrès de l’ASSÉ (et la CLASSE) les gens ne m’écoutaient pas quand je parlais au micro[1] : «chaque fois que Rushdia parlait au micro, c’était une « pause-congrès »». Et pourquoi donc? Bien que ce soit le cas pour plusieurs femmes comme moi, j’imagine, j’ai une particularité, je suis d’origine indienne donc le français n’est pas ma langue première. J’espère que ce texte de réflexion aura plus de résonnances (sera plus « écouté ») que mes interventions en congrès.

Dans les années 60, quand il y a eu la première grève étudiante au Québec, on revendiquait l’accessibilité à l’éducation pour tout le monde, francophones comme anglophones. Une quarantaine d’années plus tard, nous en sommes pratiquement au même point. Le contexte a certes changé, mais nos revendications de base restent les mêmes: l’accessibilité économique aux études supérieures.

Pourquoi n’élargissons-nous pas notre lutte, tout comme nous l’avons décrit dans notre, très lyrique, Manifeste: Nous Sommes Avenir ?

La gratuité n’est pas seulement une absence de prix, c’est l’abolition des barrières économiques pour l’accès à ce qui nous est le plus précieux collectivement. C’est l’abolition des entraves à la pleine réalisation de notre humanité. La gratuité, c’est payer ensemble ce que l’on possède ensemble. […]

Nous sommes des locataires, nous sommes des travailleuses et des travailleurs. Nous sommes des étudiantes internationales et étudiants internationaux laissé-e-s pour compte par des services publics discriminants. Nous sommes de toutes les origines et tant que la couleur de la peau ne sera pas aussi banale que la couleur des yeux, nous subirons nous aussi le racisme ordinaire, le mépris et l’ignorance. Nous sommes des femmes, et si nous sommes féministes, c’est parce que nous vivons le sexisme au quotidien ainsi que les revers du système patriarcal, et que nous combattons les préjugés les plus tenaces. Nous sommes gays, straight, bisexuelles, et nous le revendiquons. Nous n’avons jamais été une couche séparée de la société.

Alors dans notre présent contexte,

a) Il s’agit de regarder comment on peut élargir la portée de notre lutte de manière à lui donner davantage de force et développer une réelle solidarité;

Donc, comment le mouvement étudiant peut-il inclure d’autres enjeux de justice sociale dans nos revendications ? En intégrant les enjeux actuels importants et futurs ,pas seulement pour les étudiant.e.s mais aussi pour la population en générale. Comment peut-on bâtir la solidarité et devenir une force formidable afin d’arriver à la réussite. Peut-on faire plus comme organisation qu’un message de solidarité aux autres mouvements en lutte ? Faire plus que ne voter en congrès qu’une autre motion d’appui pour la lutte autochtones, qui rejoint des questions de justice environnementale ou pour encore d’autres projets de loi qui menacent la justice sociales ?

Je comprends bien qu’il y a une certaine peur dans les échelons de notre organisation, qu’il y a une fatigue générale au sein de l’ensemble des étudiant.e.s (militant.e.s) alors le croyance qu’il faut pas les pousser dans plusieurs directions, alors qu’ils sont déjà acculé à un épuisement. Je me suis déjà prononcer sur le sujet du bien-être collectif comme une stratégie pour la durabilité de notre lutte sur la liste de l’ASSÉ, alors je n’en dis pas plus.

Bref, n’oublions pas qu’on mène une lutte de classe où la solidarité est très importante.

b) Il s’agit d’approfondir la lutte afin de mieux l’ancrer, disons développer la radicalité.

Comment peut-on approfondir notre analyse de l’accessibilité à l’éducation? N’y a-t-il pas d’autres problèmes dans notre société que les problèmes économiques qui touchent les frais de scolarité, qui nous disent en bout de ligne que l’éducation n’est pas accessible à tout le monde ?

Il y a plusieurs exemples de personnes freiner dans leur scolarité par les multiples barrières à l’accessibilité à l’éducation telles les personnes immigrées, celles sans statuts[2] etc et ce, de la garderie à l’université. On s’entend que même s’il n’y a pas de frais de scolarité, les frais afférents peuvent être trop lourds à assumer pour certain.e.s, entre autres, parce que les personnes racisées sont systématiquement discriminées, surtout dans le milieu du travail[3]. Donc pourquoi ne pas mettre l’accent aussi sur ces aspects dans nos discours et nos revendications?

Récemment, cette proposition du comité aux luttes sociales a été adoptée au Conseil de Coordination (CoCo, le 23 janvier 2013), alors on compte sur vous pour approfondir les démarches pour la gratuité scolaire en y considérant les étudiant.e.s moins privilégié.e.s:

Considérant les mandats historiques et récents de l’ASSÉ, soit les mandats pour une analyse féministe, anti-raciste, anti-coloniale et anti-impérialiste, et pour une éducation sans discriminations,
Considérant que certains de ces mandats n’ont jamais été appliqués (voir plus bas),
Considérant que plusieurs analyses en ce sens ont déjà été produites par d’autres collectifs (Collectif éducation sans frontière, Institut Simone de Beauvoir, Groupe People [Student] of colour Montreal),
Considérant que la gratuité scolaire doit s’intégrer dans une analyse plus large et dans une vision de l’éducation différente, car la gratuité scolaire seule ne saurait être un moyen suffisant en vue d’un réel changement social,

Que soient présentes dans le matériel d’informations et de mobilisation sur la gratuité scolaire, ainsi que dans l’argumentaire général et les communications à l’égard de la gratuité scolaire, des analyses féministes, anti-racistes et anti-coloniales, dans une perspective de luttes pour l’amélioration des conditions d’existence, vers une éducation de qualité, émancipatrice et sans discriminations.

D’ailleurs, on souhaite que la partie que l’exécutif a proposé de biffer (et qui fût adopté à majorité) (ainsi que la proposition votée au CoCo ci-haut) soit prise en considération dans vos associations, donc dans les assemblés générales:

Qu’une prise en compte des différentes oppressions sur la base du sexe, de la classe, de la race et de l’exclusion sociale soient inclus dans les analyses des problématiques d’accès à l’éducation au même titre que le projet de gratuité scolaire.

Une autre proposition, qui devait aller au cahier de RNE 2012 de part de Geograds et GSA, que vous pouvez considérer:

Que le système d’éducation actuel en tant que tel est une institution qui renforce des disparités basées sur l’appartenance ethnique, culturelle, économique et genrée.
Que [l’association étudiante] travaille à l’élimination de ces inquiétés structurelles.

Ces propositions et ce texte ne se veulent donc que le point de départ pour une plus vaste réflexion dans l’optique d’élargir et de diversifier le mouvement… Cela dans le but de faire tomber à la fois les barrières à l’accès à l’éducation tout autant que celles nuisant à implication diversifiée au sein du mouvement étudiant et à la solidarité avec les autres luttes sociales.

publié sur le site d’orientation de l’ASSÉ à: http://orientation.bloquonslahausse.com/elargissons-notre-lutte-selon-le-manifeste/
http://tiny.cc/red-square